Ce texte a été écrit le 16 mai 2023  par mamie Nicole, grand-mère paternelle d'Anthony

à l'occasion de la journée qui aurait dû le voir féter son 32ème anniversaire.

 

Pour ne jamais t’oublier

Tu aurais 32 ans aujourd’hui. Et cette journée, qui aurait dû être une journée de fête, n’est qu’un jour de plus pour me souvenir ...
Tu étais mon deuxième petit enfant, mais mon premier petit fils.
Né un an moins deux jours après ta cousine, j’espérais pourtant que toi, au moins, tu serais un Gémeau, comme ton papa, ou comme ta mamie. Mais non ! Contre le pronostic du gynéco qui avait ausculté ta maman le jour même, et qui ne te prévoyait pas avant une dizaine de jours, tu as déjoué les prévisions, et tu es arrivé bien avant l’heure. Pourtant, tu ne garderas pas cette habitude ! C’est certainement une des rares fois où tu seras autant en avance !!!
Bon, j’ai donc hérité d’un deuxième petit Taureau, avec une adorable bouille ronde, coiffée d’un petit duvet blond, et de grands yeux bleus.
Tu as fait tout de suite, le bonheur de ta maman, et de ton papa, tous les deux en adoration devant la petite merveille qu’ils avaient créée !
Tu étais un enfant calme et facile, même s’il t’arrivait de faire quelques colères !
Tu faisais aussi ma joie, et celle de ton grand père, pendant les vacances que tu passais chez nous, avec ta cousine.
Tu n’avais pas encore six ans quand maman t’a appris que tu allais avoir deux petites sœurs.
Tu étais fâché contre elle, parce que tu voulais des petits frères, pas des filles !! Et j’ai dû t’expliquer que, si ce n’était pas des garçons, ce n’était pas sa faute à elle, mais celle de papa qui n’avait pas planté les bonnes graines. Alors, tu as demandé à papa de mettre des graines de garçon la prochaine fois !! 
Pourtant tu les as aimé tes petites sœurs ! Tu étais leur protecteur, un vrai papa poule !!
Je revois l’étonnement de mes amies, un jour où nous étions allés à une fête avec elles, devant ton attitude très attentive à leurs besoins et à leur bien-être. Tu ne les quittais pas du regard, et tu as maintenu ton rôle de grand frère, tout le temps.
Oh, bien sûr, il vous arrivait de vous chamailler, mais malheur à celui, ou celle, qui voulais s’en mêler ! Aussitôt, vous faisiez bloc, tous les trois.
Je me souviens de ces vacances, vous trois et tes cousins, plus les enfants des amies de ta tante, c’était une vraie colonie de vacances à la maison ! Et ton grand père qui redevenait un gamin avec vous et vous entraînait dans des bêtises, sapant le peu d’autorité que je voulais affirmer !
Dès que tu as été assez grand, tu étais toujours prêt à venir m’aider à bricoler, même si souvent, tu partais dans les nuages et je devais te rappeler à mes côtés.
Tu étais là pour m’épauler quand j’ai voulu poser un placage dans ma chambre, et que ton grand père était trop malade pour le faire. Tu étais présent aussi quand j’ai refait la salle à manger et le salon, et chaque fois que j’ai sollicité ton aide.
Tu étais toujours là, chaleureux, souriant, blagueur, parfois dans la lune, mais toujours avec ce sourire taquin dans les yeux.
Plus tard, il t’arrivait de me téléphoner pour discuter des mérites comparés de tel ou tel whisky, ou pour d’autres futiles raisons. Tu me racontais que cela étonnait tes copains que tu appelles ta grand-mère pour ce genre de chose, et ça nous amusait…
Tu m’as fait connaître des chanteurs que je n’aurais jamais écouté sans toi, comme Orelsan ou d’autres dont les textes te semblaient susceptibles de m’intéresser.
Grâce à toi aussi, j’ai pu découvrir des thés aux saveurs variées que tu m’offrais à chaque occasion que tu avais. D’ailleurs, samedi dernier, j’ai retrouvé, dans un magasin, entre autres, un que tu m’avais déjà offert. Je pourrais continuer à le déguster avec toi.
Quand j’ai commencé à peindre, tu m’as lancé des défis, en me demandant des tableaux que je trouvais parfois très laids, comme Halo, ou Dark Vador à la manière de Andy Warhol…. Et je les ai relevés ces défis !
Tu prenais un malin plaisir à faire une compétition avec ton cousin, à celui qui me commanderait le tableau sur lequel je passerais le plus de temps.
Puis il y a eu Mélanie, qui, elle aussi, appréciait mes œuvres.
Alors vous m’avez demandé de vous peindre « La vague » de Hokusai, mais tu la voulais en grand, 100x150.
Il a fallu que je commande la toile, je n’avais pas ce format en réserve !
Comme c’est un sujet très complexe, qui me faisait un peu beaucoup peur, je t’ai promis que je le ferai, mais pas tout de suite. Et tu m’as répondu que ça n’était pas grave, que tu n’étais pas pressé, que j’avais le temps…
Si nous avions su, que non, nous n’avions pas le temps…
Il y a eu ce mardi matin horrible, où, sortant de chez ma Kiné, j’ai trouvé un message de ma sœur qui me disait partager ma peine, sachant ce qui t’était arrivé. Comme je n’étais au courant de rien, j’ai essayé de t’appeler. Tu n’as pas répondu, mais cela ne m’a pas particulièrement perturbée, je pensais que tu étais au travail.
Jusqu’à ce que j’apprenne l’horrible réalité : tu avais eu un accident de la route.
Un jeune délinquant, récidiviste, drogué, t’avait tué et s’en tirait sans une égratignure ! Comment une telle injustice pouvait-elle avoir lieu ??
Pourquoi toi, pourquoi pas lui ?

Il m’a fallu un peu de temps, mais je l’ai fait quand même, ce tableau que tu m’avais demandé. Pour toi. Pour Mélanie.
Cela m’a pris plusieurs semaines. Soit rassuré, c’est toi le gagnant : je ne passerais sûrement jamais autant d’heures sur une autre toile que j’en ai passées sur « La vague ». J’ai intitulé cette toile Mélanthony, je sais que tu comprends.
Ça n’a pas toujours été facile, mais, en la réalisant, je me sentais près de toi, je te parlais et j’imaginais ce que tu me répondais avec ton petit air moqueur, et ton sourire en coin…
Ce sourire que j’ai essayé d’immortaliser en faisant ton portrait, pour ne jamais l’oublier.
Bien sûr, j’ai d’autres petits enfants. Mais chacun de vous a sa place dans mon cœur. La tienne restera à jamais vacante.
Dans une semaine, je vais être opérée et tu n’es plus là pour me dire, « Je te préviens, mamie, tu n’as pas intérêt à mourir, si tu meurs, je te tue !! » comme à chaque fois que j’ai eu de gros soucis de santé. Mais je t’entends et je sais que quelque part, avec ton grand père, tu penses à moi et tu me protèges.
Alors, malgré ton absence, je te souhaite ton anniversaire, mon chéri.

Ta mamie qui t’aime et qui ne t’oubliera jamais